Dans un arrêt d’assemblée du 23 décembre 2011, le Conseil d’État rendait l’arrêt Danthony. Cet arrêt est significatif en matière de procédure administrative, puisqu’il énonce qu’un vice de procédure n’entraîne l’illégalité d’une décision administrative qu’en deux situations : soit s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise, soit s’il a privé les intéressés d’une garantie (CE Ass. 23 déc. 2011, Danthony).
De fait, les années suivantes ont été consacrées à en préciser les diverses applications, tant pour les vices de procédure que pour les vices de forme : par exemple, l’absence de motivation constitue un vice de forme qui n’est pas « danthonysable » (CE 1e & 6e Ch. 7 déc. 2016 req. n°386304). Récemment, un arrêt portant application de l’arrêt Danthony ayant été rendu le 24 juillet 2019 (2), nous avons l’occasion de revenir sur la solution dégagée dans cette décision éponyme (1).
La jurisprudence Danthony
Avant l’arrêt Danthony du 23 décembre 2011, toute irrégularité de procédure emportait systématiquement l’illégalité de la décision administrative qui en comportait. Cependant, l’arrêt Danthony a introduit une nouveauté significative dans le domaine de la procédure administrative, puisqu’au terme de cette décision de justice, un vice de procédure ne mène plus nécessairement à l’annulation de la décision adoptée à la suite d’une procédure irrégulière.
En réalité, ce principe avait été dégagé par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Cette loi disposait en son article 70 que, lorsque l’autorité administrative procède à la consultation d’un organisme avant de prendre une décision, seules peuvent être invoquées contre ladite décision les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu par cet organisme.
Bien que s’inspirant de la loi n°2011-525, le juge administratif élargit sa portée, car l’article 70 ne s’applique qu’aux vices de procédure commis lors de la consultation d’un organisme. Dans son arrêt, le Conseil d’État considère que cette règle s’inspire d’un principe plus large, selon lequel si les actes administratifs doivent respecter les formes et procédures prévues par les lois et règlements, un vice qui affecte le déroulement d’une procédure administrative préalable, obligatoire ou facultative, n’entache d’illégalité une décision que s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ou a privé les intéressés d’une garantie.
Depuis l’arrêt Danthony, le pouvoir d’appréciation du juge administratif à l’égard des vices de procédure et, en réalité, même des vices de forme, s’est indéniablement renforcé, le juge opérant désormais un contrôle concret quant à leurs effets sur la procédure administrative. En droit, ce contrôle est d’autant plus large que la nature exacte de la garantie énoncée par l’arrêt Danthony n’est nullement précisée, celle-ci se trouvant seulement détaillée, ici-et-là, au gré des différents arrêts rendus.
Applications récentes de la jurisprudence Danthony
Dans les années qui ont suivi, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions reprenant la solution de l’arrêt Danthony. En somme, ce dernier a donc « fait jurisprudence ». Le 24 juillet 2019, le Conseil d’État, en ses 5e et 6e chambres réunies, faisait ainsi une nouvelle application de l’arrêt Danthony (CE 24 juill. 2019 req. n°416818), pour le droit de la fonction publique. En l’espèce, une agent public était convoquée à un conseil de discipline, lequel devait se réunir quinze jours après ladite convocation, conformément à l’article 2 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière.
En effet, le délai de quinze jours est une garantie visant à permettre à l’agent concerné de préparer utilement sa défense. Or en l’occurrence, l’agent public convoquée n’a été informée de la réunion du conseil que sept jours à l’avance, ce qui correspond dans les faits à une méconnaissance par l’Administration de ce délai de quinze jours francs. Pour le Conseil d’État, le manquement constaté a donc privé l’intéressée d’une garantie, conduisant ainsi à l’application de la jurisprudence Danthony.
Par la suite, le Conseil d’État a également fait une autre application de cet arrêt Danthony, en le croisant avec l’arrêt Ternon (CE Ass. 26 oct. 2001), créant ainsi les vices dits « danthonysables ». Une décision créatrice de droits, entachée d’un vice qui n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision et qui n’a pas privé les intéressés d’une garantie, ne peut être tenue pour illégale, et ne peut pas être retirée ou abrogée par l’Administration, de sa propre initiative ou sur demande d’un tiers, même dans le délai de 4 mois suivant la prise de la décision (CE 7 fév. 2020, req. n°428625).
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