Les juridictions françaises ont récemment condamné une banque libanaise à rembourser en France les avoirs d’un épargnant bloqués au Liban. L’argent devra lui être restitué en France, et non à travers le dépôt d’un chèque bancaire au Liban.
Cet arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 novembre 2022 ouvre la voie à la contestation du refus des banques libanaises de débloquer les fonds des Libanais. Elle précise aussi les conditions d’exercice des actions judiciaires en France contre ces banques.
Dans l’affaire précitée, les tribunaux français se sont déclarés compétents bien que la banque en question n’ait aucune présence en France. La raison est que la plaignante pouvait être considérée comme consommatrice au regard du droit européen. Ainsi, la clause présente dans le contrat de compte bancaire donnant compétence aux tribunaux libanais a pu être écartée.
La satisfaction du critère de consommateur établi en France
L’épargnant peut être considéré comme un consommateur de la banque établi en France lorsqu’il peut établir avoir un domicile en France, et y résider habituellement. Pour cela, tous les justificatifs et indices sont bons pour prouver son domicile : bail, fiches de paie, factures de services communs, certificats de scolarité, taxe foncière, etc. Le critère fiscal n’est pas décisif.
Les personnes ayant un domicile en France ne sont pas les seules qui peuvent se prévaloir de ces règles de compétence, mais tous les consommateurs, clients des banques libanaises, établis dans l’Union européenne. Ce statut permet d’agir devant les tribunaux du pays de l’Union européenne où le déposant a son domicile.
L’absence de présence de la banque libanaise en France
Concernant les banques libanaises attaquées, il importe peu que celles-ci soient présentes sur le sol français, dès lors qu’il peut être établi qu’elles dirigeaient leur activité vers ce territoire (ce qui vaut aussi pour tous les autres pays de l’Union européenne concernés).
Dans le cas jugé à Paris, la banque n’avait aucune présence sur le sol français mais dirigeait ses activités vers la France, comme le tribunal a pu le constater à travers un faisceau d’indices : service de transferts internationaux, comptes ouverts en devises étrangères, démarchage des clients en France à distance et sur place, équipe francophone dédiée intervenant depuis le Liban mais visitant parfois aussi les clients en France, site internet en anglais ou français, adresse mail se terminant par « .com », etc. Là encore, des indices variés peuvent être apportés à l’appui du recours. Cette décision ainsi que d’autres décisions européennes font naître un espoir pour les nombreux épargnants de pouvoir enfin récupérer leur argent.
Quelques cas de figure :
- L’épargnant habite principalement ou habituellement en France : il peut envisager d’intenter un procès en France;
- L’épargnant peut démontrer avoir eu un domicile dans un quelconque pays européen à la date d’ouverture du compte bancaire au Liban : il peut envisager d’intenter un procès dans le pays européen où il est domicilié;
- L’épargnant ne vit qu’au Liban et ne peut démontrer aucune présence durable sur le sol européen : la compétence des juridictions françaises est a priori exclue.
Sur le même sujet : Clause d'élection de for et consommateur en matière bancaire
- Inapplicabilité de la clause d’élection de for dans un contrat entre consommateur allemand et banque suisse. A lire sur le site de la faculté de droit de l’Université de Genève.
- For applicable après changement de domicile du consommateur (contrat bancaire conclu en Allemagne puis déménagement du consommateur en Suisse). A lire sur Dalloz-actualité.