La pyramide des normes de Kelsen

La pyramide des normes de Kelsen est une notion incontournable de la première année d’étude de droit. Elle doit être particulièrement bien comprise par l’étudiant car elle comprend quelques subtilités, les professeurs de droit vont nécessairement s’assurer en examen que le principe tout comme ses subtilités sont compris et assimilés par l’étudiant.

Nous vous proposons ainsi notre article dédié à la Pyramide des normes de Kelsen, vous trouverez sur cette page:

La définition de la pyramide des normes de Kelsen et son principe de hiérarchie des normes.

Sa composition (Constitution, traités internationaux, lois organiques, la loi au sens général, les règlements etc).

Les juridictions qui en assurent le respect (Conseil d’État, Cour de cassation et Conseil constitutionnel).

Une remise en cause de la représentation couramment faite à l’université de droit.

Définition de la notion de pyramide des normes de Kelsen

La notion de pyramide des normes de Kelsen signifie que l’ordre juridique, et les normes qu’il contient (depuis la Constitution et les engagements internationaux jusqu’aux plus simples décrets), peut se concevoir sous la forme d’une pyramide à étages, chaque étage représentant hiérarchiquement une norme juridique déterminée, supérieure ou inférieure à d’autres normes (la loi fondamentale étant supérieure à la loi organique, elle-même supérieure à la loi ordinaire, et ainsi de suite).

Par norme, Kelsen entend tout texte juridique au sens large ; il ne s’agit donc pas nécessairement de la « loi » au sens d’un texte général et impératif voté dans les mêmes termes par chaque assemblée et signé par le chef de l’État, mais de toute règle de droit.

Hans Kelsen écrit : « L’ordre juridique n’est pas un système de normes juridiques placées toutes au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie formée (pour ainsi dire) d’un certain nombre d’étages ou couches de normes juridiques » (Théorie Pure du droit, 1999, p. 224).

Composition de la pyramide des normes en droit français

La pyramide de Kelsen est composée ainsi :

pyramide des normes de Kelsen, hiérarchie des normes juridiques dans l'ordre juridique

Les enseignants représentent la pyramide de Kelsen de cette manière : la norme fondamentale est placée au sommet de l’édifice, et de haut en bas suivent des normes de moins en moins générales et douées d’une valeur juridique moins élevée : les lois, les ordonnances, les actes réglementaires, les décisions de jurisprudence et les actes administratifs, tous ces actes ordonnés suivant une logique hiérarchique où chaque norme de droit, pour être valide, doit être conforme à la norme supérieure.

La pyramide de Kelsen comporte donc :

Le bloc de constitutionnalité ;

Le bloc de conventionnalité ;

Le bloc de légalité ;

Le bloc règlementaire.

Le bloc de constitutionnalité

Le « bloc de constitutionnalité » est une expression inventée par Claude Émeri et popularisée par Louis Favoreu (dans un sens sensiblement différent de celui que lui prêtait Claude Émeri). Il est composé :

de la Constitution ;

de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ;

du préambule de la Constitution de 1946 ;

de la Charte de l’Environnement (2004) ;

des principes à valeur constitutionnelle (dégagés par le Conseil Constitutionnel) ;

des objectifs à valeur constitutionnelle (dégagés par le Conseil Constitutionnel) ;

des principes particulièrement nécessaires à notre temps (mentionnés dans le préambule de la Constitution de 1946 et dégagés par le Conseil Constitutionnel) ;

des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR).

Le bloc de conventionnalité

Le bloc de conventionnalité comprend les traités et les engagements internationaux ainsi que le droit de l’Union Européenne.

Les traités internationaux

Les traités internationaux déterminent les relations entre États. Ils ont une valeur inférieure à la Constitution (article 54 de la Constitution de 1958 ; Conseil d’Etat Ass. 1998, Sarran et Levacher). Si le traité n’est pas conforme à la Constitution, il faut, soit modifier la Constitution pour la rendre conforme au traité, soit renoncer à ratifier le traité.

En outre, les traités internationaux régulièrement ratifiés sont supérieurs aux lois, à condition qu’ils soient appliqués par l’autre partie (article 55 de la Constitution).

Le droit européen

L’Union Européenne créé un droit qui s’intègre, se combine, au droit interne de ses États-membres. Ce droit communautaire est d’effet direct, il peut donc être invoqué par chaque ressortissant d’un État-membre (CJCE 1963, Van Gend en Loos). Surtout, le droit européen supérieur aux droits internes (CJCE 1964, Costa c/ ENEL).

En revanche, les actes du droit communautaire (directives, règlements, décisions…) ne priment pas sur la Constitution dans l’ordre juridique interne (Conseil d’État Ass. 1998, Sarran ; Conseil d’État 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique).

Le bloc de légalité

Dans l’étage suivant de la hiérarchie des normes se trouve le vaste bloc de légalité. Il regroupe :

les lois référendaires (adoptées par le peuple par référendum) ;

les lois organiques (elles sont votées d’après une procédure particulière, prévue à l’article 46 de la Constitution, et précisent certains articles de la Constitution);

les lois ordinaires (le type de loi le plus courant, adopté dans l’un des domaines de l’article 34 de la Constitution et dont la procédure est prévue aux articles 39 et suivants de la Constitution) ;

les ordonnances (prévues à l’article 38 de la Constitution, elles permettent au Gouvernement de demander au Parlement l’autorisation de prendre des mesures législatives dans un domaine déterminé) ;

les décisions prises dans le cadre de l’article 16 de la Constitution (le Président de la République peut, dans le cadre de ce régime d’exception, prendre toutes mesures législatives imposées par les circonstances).

Le bloc réglementaire

Au niveau inférieur suivant de la hiérarchie des normes se situe le bloc réglementaire.

Le bloc réglementaire se situe tout en bas de la pyramide de Kelsen, son autorité juridique étant moins importante que les autres blocs.

Le bloc réglementaire est simple à comprendre : il s’agit de l’ensemble des règlements (d’où, justement, son nom de bloc « réglementaire ») pris par l’Exécutif dans le cadre de l’article 37 de la Constitution. Deux types de règlements sont à retenir :

les décrets (pris par le Président de la République ou le Premier ministre) ;

les arrêtés, qui sont adoptés par les ministres (arrêtés ministériels), les préfets (arrêtés préfectoraux) et les maires (arrêtés municipaux).

Les juridictions chargées du respect de la hiérarchie des normes

Pour que le principe hiérarchique de la pyramide des normes soit une réalité, son respect doit être assuré par des juridictions chargées de contrôler la conformité d’une norme à celle qui lui est supérieure. Ces juridictions sont, notamment, le Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation, le Conseil d’État et les tribunaux administratifs.

Le Conseil Constitutionnel assure le contrôle de constitutionnalité. En vertu des articles 61 et 61-1 de la Constitution de 1958, il vérifie la conformité de la loi à la Constitution, et garantit ainsi la cohérence du droit. S’il la déclare inconstitutionnelle, la loi ne peut pas être promulguée et mise en application (art. 62 de la Constitution). En outre, le Conseil Constitutionnel s’assure que les traités internationaux, avant ratification, soient conformes à la Constitution (cette supériorité de la Constitution sur les traités ne vaut que dans l’ordre interne).

La Cour de Cassation et le Conseil d’État sont les juridictions suprêmes de leurs ordres respectifs : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. Elles se chargent toutes deux de réaliser le contrôle de conventionnalité : la Cour de Cassation le fait depuis 1975 (arrêt Société des cafés Jacques Vabre), date où elle a reconnu la primauté du droit communautaire sur le droit national, et le Conseil d’État, après quelques résistances, se charge d’effectuer le contrôle de conventionnalité depuis son célèbre arrêt Nicolo de 1989.

Les juridictions administratives, elles, s’occupent du contrôle de légalité. En réalité, il revient d’abord au Préfet, ou au sous-préfet, qui vérifie que les actes des communes (les actes règlementaires et individuels, les délibérations du conseil municipal…) respectent les normes juridiques en vigueur ; s’il a des doutes, il invite les collectivités locales concernées, par recours gracieux, à modifier ou retirer l’acte litigieux, et, en cas de refus à sa demande, peut les déférer au tribunal administratif. Pour être exécutoires, les actes adoptés par les communes doivent donc être conformes au droit positif.

Conclusion

La pyramide de Kelsen se caractérise donc de la manière suivante : il s’agit d’un système juridique qui se caractérise par un principe hiérarchique, chaque étage de cette pyramide correspondant à une norme de droit qui doit être obligatoirement conforme à la norme qui lui est supérieure.

Cependant, précisons que la théorie de Kelsen est loin de se réduire au seul modèle de la pyramide, bien que ce soit la notion que les étudiants en droit retiennent de lui. Kelsen traite ainsi dans son essai « Théorie Pure du Droit » (LGDJ, 1999, 376 p.) de questions aussi fondamentales que les notions d’État de droit, de centralisation et de décentralisation ou encore de révolution juridique, chacune de ces conceptions particulières s’imbriquant dans le modèle logique de la théorie pure du droit.

Complément – « erreur » de représentation de la pyramide des normes ?

Dans la représentation pyramidale qui en est faite, et qui est enseignée aux étudiants en droit, la norme fondamentale (« Gründnorm ») est placée à l’extrême pointe de la pyramide. Mais c’est le signe d’une mauvaise compréhension de la hiérarchie des normes et peut-être Kelsen se rallierait-il à cet avis s’il était encore de ce monde. Dans un modèle abstrait, toute pyramide a une pointe aiguë, qui possède un côté fini, et une base plus large que le sommet, et qui est « non finie » puisque ses lignes s’éloignent l’une de l’autre, et ne se rejoignent donc jamais. Or dans le modèle kelsénien, si l’ordre juridique a un coté fini qui correspond aux actes administratifs posés par un acte de volonté, il a également un côté « non fini » puisque la Gründnorm est, on l’a dit, supposée. De la sorte, la place la plus appropriée pour la norme fondamentale n’est pas au sommet de la pyramide, mais à son extrême base. Là, il faut apporter des précisions.

La pyramide de Kelsen reposant sur une norme hypothétique, elle ne devrait pas comporter de base « finie » pour prétendre être correctement représentée devant les étudiants. Dans le schéma ci-dessus, la pyramide se déroule sans que l’on ne puisse distinguer sa fin : ses côtés s’éloignent l’un de l’autre, ce qui illustre la régression de la chaîne normative, au terme de laquelle s’inscrit la norme fondamentale supposée, au fondement de tout ordre juridique.

En outre, ce type de représentation a un autre avantage : en situant la Gründnorm en bas de la pyramide, là où ses côtés s’éloignent, il en traduit beaucoup mieux l’aspect général et abstrait à fin pédagogique, tandis que, de son côté, la partie supérieure de la pyramide renvoie au caractère de plus en plus précis des normes juridiques, qui perdent leur caractère général à mesure que l’on se rapproche de la pointe de l’édifice : par exemple, la jurisprudence (qui répond aux cas d’espèce dont elle doit connaître) ainsi que les différents actes administratifs.

On ne peut s’empêcher ici de remarquer le caractère peu didactique de la représentation classique de la pyramide de Kelsen, certains étudiants pouvant croire qu’une norme de l’ordre juridique est supérieure ou inférieure à l’autre par rapport à la position qu’elle occupe sur la pyramide, ce qui n’est pas faux mais incomplet : une norme est supérieure ou inférieure certes selon son rang sur la pyramide, mais ce rang lui est donné par la valeur juridique qui est la sienne. Sans doute, la représentation de la théorie de Kelsen sous la forme d’une pyramide permet de faire comprendre, presque intuitivement, que les normes supérieures du système juridique sont moins nombreuses que les normes inférieures, le haut d’une pyramide étant plus étroit que sa base. Mais placer la Gründnorm à sa base présenterait l’avantage de montrer que, le bas d’une pyramide étant plus large que son sommet, les normes de valeur supérieure (Constitution, bloc de conventionnalité, etc) sont moins précises, moins détaillées, plus générales… et donc aussi moins nombreuses que les normes de rang inférieur.

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