La normative internationale et européenne en vigueur en France et en Espagne concernant les congés payés établit une obligation de faire une interprétation des normes espagnoles et françaises selon la même. Le droit de tout salarié à bénéficier d’un congé annuel payé est un droit fondamental prévu par les normes internationales et européennes.
Les normes internationales du droit aux congés payés:
La Convention 132 de l'Organisation internationale du travail (OIT)
Au sein de l’Organisation internationale du travail, il y a eu une évolution importante dans la réglementation des congés payés. Initialement, la convention numéro 52 a reconnu le droit aux travailleurs auxquels la convention est applicable, aux congés payés annuels d’une durée minimale de six jours. Après, la Convention 132 de l’OIT du 24 juin 1970 a réglementé les congés payés.
La convention 52 avait été ratifiée par l’Espagne le 5 mai 1971, mais aujourd’hui, elle n’est pas en vigueur, car l’État espagnol a ratifié la convention 132 le 30 juin 1972. La France a ratifié la convention 52 le 23 août 1939, mais l’État français n’a pas encore ratifié la convention 132.
De la lecture de la convention 132, on peut extraire les caractéristiques suivantes des congés payés:
• Le droit aux congés payés est reconnu à presque tous les salariés: tous les employeurs (à l’exception des gens de mer, auxquels la convention ne s’applique pas, selon l’article 2.1) ont le droit aux congés payés annuels d’une durée minimale déterminée (article 3.1).
• La liberté des États pour fixer la durée des congés payés est limitée. La convention donne une liberté aux États qui ont ratifié la convention pour fixer la durée des congés payés annuels (article 3.2), avec une seule limite: la durée du congé ne devra en aucun cas être inférieure à trois semaines de travail pour une année de service (article 3.3). Ça veut dire qu’un État peut fixer dans sa réglementation une durée de congés payés de trois semaines et un jour, mais jamais une durée de deux semaines, par exemple.
• Les congés payés auront une durée proportionnelle selon la période de service faite par le travailleur au cours d’une année déterminée. Lorsqu’un travailleur a développé ses services d’une durée inférieure à la période d’une année requise pour ouvrir le droit à la totalité du congé de trois semaines, il aura le droit à un congé d’une durée proportionnellement réduite (article 4.1). Par exemple, si un travailleur a développé des services pendant six mois, il aura le droit à un congé payé d’une durée d’une semaine et demie. Lorsque la convention parle du terme année, elle se réfère à l’année civile ou à une autre période fixée par le pays qui a ratifié la convention.
• L’exigence d’une période de services minimaux pour ouvrir le droit aux congés payés et le mode de calcul de ladite période. La convention permet aux États d’exiger une période de service minimum pour ouvrir le droit aux congés annuels payés et leur donne une liberté pour fixer un mode de calcul de la période de services (article 5). Mais la convention restreint ladite liberté des États lorsqu’elle établit deux limites:
– La durée de la période de service minimum ne peut en aucun cas dépasser les six mois.
– Les absences du travail pour des motifs étrangers de la volonté de la personne employée intéressée, telles que les absences dues à une maladie, à un accident ou à un congé de maternité, seront comptées dans la période de service.
• La présence des jours fériés et les incidences pendant les congés n’a aucune incidence sur le décompte des congés.
L’article 6 de la convention dit que les jours fériés, officiels ou coutumiers, ils n’ont aucune incidence sur le décompte de la durée minimale du congé de trois semaines de travail pour une année de service.
Concernant les incidences pendant les congés, comme les maladies ou les accidents que le travailleur peut subir, la convention est très claire. La convention dit que les périodes d’incapacité de travail résultant de maladies ou d’accidents ne peuvent pas être comptées dans le congé payé annuel minimum de trois semaines de travail pour l’année de service. La convention donne une liberté aux États pour déterminer les conditions de cette exclusion.
• Les congés sont payés. L’article 8 de la convention reconnaît le droit des travailleurs qui profitent des congés payés à recevoir au moins sa rémunération normale ou moyenne.
• La convention permet le fractionnement des congés annuels payés (article 8). L’une des fractions de congé payé devra correspondre au moins à deux semaines de travail ininterrompues, sauf qu’il soit convenu une autre chose dans l’accord qui lie l’employeur et le travailleur (dans ce cas, il faut que la durée du service de cette personne lui donne droit à une telle période de congé).
• Concernant la période où le travailleur peut profiter des congés payés, elle sera déterminée par l’employeur après consultation de la personne employée intéressée ou de ses représentants (article 10), sauf que ladite période soit fixée par la voie réglementaire, par la voie des conventions collectives, de sentences arbitrales ou de toute manière selon la pratique nationale.
• L’article 11 prévoit ce qui se passe si le travailleur a acquis le droit à un congé annuel payé et la relation du travail finit. Si la relation de travail entre l’employeur et le travailleur finit, et le travailleur a accompli la période minimale de service correspondant pour ouvrir le droit à un congé annuel payé complet ou proportionnel, le travailleur a le droit de bénéficier (article 11):
– soit d’un congé payé proportionnel à la durée de la période de service pour laquelle le travailleur n’a pas encore eu un tel congé;
– soit une indemnité compensatrice, soit d’un crédit équivalent. Il s’agit d’une des exceptions permises pour remplacer les congés payés par une compensation financière.
• La nullité des accords employeur-travailleur dont la conséquence est la perte ou la réduction de ce droit. La convention dit qu’en cas d’un accord entre l’employeur et le salarié donc son contenu est l’abandon de ce dernier de son droit aux congés annuels payés prescrit dans la convention, en échange d’une rémunération, ledit accord doit être nul de plein droit ou interdit (article 12).
La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948
L’article 24 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 établit que « toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques ».
Le droit aux congés annuels payés dans le droit européen, un droit qui ne peut pas être objet des restrictions, sauf en cas des circonstances exceptionnelles:
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans son article 31, qui se réfère aux conditions de travail justes et équitables, reconnaît le droit de tout travailleur à une période annuelle des congés payés.
La Charte communautaire des droits sociaux des travailleurs du 9 décembre 1989
Malgré le fait qu’il s’agit d’une charte dépourvue de la valeur contraignante, elle a une valeur politique. Son article 8 dit que « tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire et à un congé annuel payé dont les durées doivent être rapprochées dans le progrès, conformément aux pratiques nationales ».
La directive 2003/88/CE
La directive 2003/88/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail, elle a une importance totale pour les congés payés et a été objet d’une interprétation constante par la Cour de justice de l’Union européenne (en avant, j’utiliserai l’abréviation CJUE), le Tribunal suprême espagnol (TS) et la Cour de cassation française (CC).
Il y a une forte relation de la législation sociale de l’Union européenne avec le droit international du travail concernant les congés. La directive 2003/88/CE, dans son préambule, se réfère explicitement à l’OIT, tout en disant qu’« il convient de tenir compte des principes de l’Organisation internationale du travail en matière d’aménagement du temps de travail ».
L’article 7 dispose que « les États membres adoptent les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs bénéficient d’une période d’au moins quatre semaines de congé annuel payé, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi établies par les législations et/ou pratiques nationales ».
Le deuxième alinéa de l’article 7 de la directive interdit le remplacement de la période minimale de congé annuel payé par une indemnité financière, sauf en cas de fin de la relation du travail. On peut donner quelques précisions de l’article 7:
• Le droit de profiter des congés payés est un principe de droit social communautaire associé à la garantie de la sécurité et de la santé des travailleurs et contre lequel aucun type d’exception n’est recevable (1).
• Les États membres ont l’obligation de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, en précisant les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent faire usage dudit droit. Ils doivent en tout cas garantir une durée minimale des congés annuels payés de quatre semaines. Il s’agit d’une durée minimale, de sorte qu’un État membre peut établir une durée supérieure.
• Il s’agit d’un article très générique, qui peut donner des doutes d’interprétation et d’application. Il a fallu que la CJUE fasse une interprétation du même pour éclaircir tout doute d’interprétation et d’application.
La restriction en cas des circonstances exceptionnelles du droit au congé annuel payé. Le salarié considéré comme la partie la plus faible dans la relation du travail, rappel de la CJUE
La Cour européenne a rappelé plusieurs fois que la directive européenne ne permet pas la dérogation du droit aux congés payés. Ce n’est qu’en présence des « circonstances spécifiques » que ce droit aux congés annuels payés peut être limité (2). La CJUE dit que la charge de veiller à l’exercice effectif du droit aux congés payés ne devrait pas être entièrement déplacée sur le salarié (3) .
La Cour européenne nous rappelle la nature de la relation juridique existante entre le salarié et l’employeur. Le salarié doit être considéré comme la partie la plus faible dans la relation du travail, et ladite relation est caractérisée par une situation initiale d’asymétrie contractuelle entre les deux parties. Le droit de travail est apparu pour trouver un équilibre entre les parties contractantes et pour empêcher un abus de l’employeur sûr le salarié. La CJUE donne, à mon avis, une explication très claire: si la charge de veiller à l’exercice effectif du droit au congé annuel payé était entièrement déplacée sur le salarié, l’employeur aurait la possibilité de s’exonérer du respect de ses propres obligations en s’excusant avec l’argument qu’une demande de congés annuels payés n’a pas été introduite par le salarié.
La Cour européenne va plus loin, tout en disant que toute incitation à renoncer aux congés payés dus pour provoquer que les travailleurs y renoncent est incompatible avec les objectifs de la directive européenne. Il faut un droit qui intervienne dans la relation du travail entre l’employeur et le salarié. Si ladite intervention normative n’existait pas, le travailleur n’aurait pas des congés payés et sa santé serait en danger. Interprétation qui semble logique, car un salarié peut avoir peur de demander de profiter des congés payés par la possibilité de prise des représailles de l’employeur dans le futur.
Exceptions en droit européen pour le report de tout ou partie des congés sur l'année suivante
Il y a des situations pour lesquelles le report de tout ou partie des congés sur l’année suivante est autorisé:
• Si le salarié n’a pas pu profiter des congés annuels payés par la faute de l’entreprise. Récemment, la CJUE (4) a considéré que le droit au congé annuel payé qui a été acquis par un salarié au titre d’une période de référence ne prescrit pas même à l’issue d’une période de trois ans qui commence à courir à la fin de l’année au cours de laquelle est né ledit droit. Dans ce cas, l’employeur n’a pas effectivement mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit.
• Si le travailleur se trouve en situation d’incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, il a le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail. La CJUE dit qu’il faut prendre en considération les finalités du droit au congé annuel payé et du droit au congé de maladie. La finalité du premier est de permettre au salarié de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Tandis que le droit au congé de maladie cherche que le salarié puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (5) .
• Le salarié de retour d’un congé parental.