Loi Lamy : perspectives et réalité

La loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, plus couramment appelée loi Lamy (du nom de l’ex-ministre délégué de la Ville, François Lamy) réforme la politique de la ville. Elle est significative à plusieurs égards : elle introduit la notion de quartiers prioritaires, instaure le « contrat de ville » (piloté, malgré ce que laisse entendre son nom, à l’échelle intercommunale) et crée des conseils citoyens. Par la concentration de différents moyens vers ces quartiers, la loi Lamy vise à atteindre l’égalité entre les territoires, la réduction des écarts de développement et l’amélioration des conditions de vie de leurs habitants (art. 1er).

Politique de ville et accès aux services publics

La loi Lamy affiche dix objectifs (art. 1er). Bien que ce ne soit pas expressément formulé, elle favorise l’égalité des citoyens devant le service public à travers certains de ces objectifs. En effet, le service public est régi par trois lois fondamentales : le principe de continuité, le principe d’égalité devant le service public et celui d’adaptabilité.

Or la loi Lamy vise, notamment, à garantir aux habitants des quartiers défavorisés :

  • l’égalité d’accès à l’éducation, aux services et aux équipements publics ;
  • à agir pour le développement économique et l’accès à l’emploi par les politiques de formation et d’insertion professionnelles ;
  • à favoriser l’accès aux soins ;
  • à assurer leur tranquillité par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance ;
  • à favoriser l’intégration de ces quartiers dans leur unité urbaine, en renforçant leur accessibilité par transports en commun.

En l’espèce, cinq services publics au moins sont concernés : la Justice, l’Éducation, les Transports, l’Emploi et la Santé.

Fait significatif, la compétence « politique de la ville » rejoint la liste des compétences obligatoires des communautés d’agglomération (art. L5216-5 CGCT) et communautés urbaines (art. L5215-20 CGCT), et celles de la métropole du Grand Paris (art. L5219-3 CGCT).

Contrats de ville

La loi Lamy prévoit une politique de la ville mise en œuvre par des contrats de ville. Ils sont conclus entre l’État, ses établissements publics et les groupements d’intérêt public dont il est membre et, d’autre part, les communes et E.P.C.I. concernés. Signés dans l’année du renouvellement général des conseils municipaux, ils entrent en vigueur pour six ans (art. 6) et peuvent être actualisés tous les trois ans si des évolutions le justifient.

Pour les départements et collectivités d’outre-mer, ces contrats peuvent être conclus à l’échelle communale. Sur le territoire intercommunal, l’E.P.C.I. compétent est chargé d’animer et de coordonner cette politique, et de mettre en œuvre les actions qui relèvent de sa compétence et celles de portée intercommunale. Sur sa commune, le maire est chargé, dans le respect de ses compétences, de mettre en œuvre le contrat de ville. 

Si ces contrats sont élaborés sur un territoire englobant un ou plusieurs quartiers prioritaires, ils fixent les objectifs à atteindre, la nature des actions à mener et leurs modes de mise en œuvre, les moyens humains et financiers mobilisés ainsi que les indicateurs et les structures locales chargés de mesurer et d’évaluer les résultats obtenus.

Cependant, les premiers bilans de la loi Lamy indiquent que de telles structures n’ont pratiquement pas été désignées, pas plus d’ailleurs que n’ont été traitées, par les contrats de ville, les questions touchant à l’évaluation des résultats.  À partir du moment où le contrat concerne des territoires englobant un ou plusieurs de ces quartiers prioritaires, le représentant de l’État dans le département, les communes signataires et l’E.P.C.I. compétent concluent, avec le département ou certains bailleurs sociaux, une convention intercommunale qui définit les objectifs de mixité sociale et d’équilibre entre les territoires qu’il faut prendre en compte pour, notamment, attribuer les logements sociaux (art. 8). 

Ces quartiers prioritaires sont situés en territoire urbain et sont caractérisés par deux facteurs : un nombre minimal d’habitants (fixé à 1.000 par décret) et un écart de développement économique et social apprécié par le critère de revenu des habitants -écart défini par rapport au territoire national et à l’unité urbaine dans laquelle se situe chaque quartier.

Cependant, dans les départements et collectivités d’outre-mer, ces quartiers peuvent être caractérisés par des critères supplémentaires d’ordre social, démographique, économique ou relatif à l’habitat, tenant compte des spécificités de ces territoires (art. 5). 

À l’heure actuelle, 1514 quartiers sont concernés. Si ces critères ont été reconnus comme efficaces pour repérer les zones de concentration de la pauvreté, ils ne sont néanmoins pas adaptés pour le département du Nord, la pauvreté y étant diffuse du fait que l’habitat y soit moins dense, plus horizontal que vertical : à Lille par exemple, 53% des personnes pauvres habitent en dehors des quartiers prioritaires.

Conseils citoyens

La loi Lamy prévoit également des conseils citoyens, composés de représentants d’associations locales et d’habitants tirés au sort, sont mis en place dans chaque quartier prioritaire (art. 7). Indépendants des pouvoirs publics, soumis aux principes de laïcité et de neutralité, ils sont associés à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des contrats de ville.

Là encore, le bilan est mitigé : le recours au tirage au sort a certes suscité des vocations chez des personnes qui se tenaient jusque-là éloignées de la démocratie locale, mais la plupart de ces conseils ont été constitués hors du cadre de référence préconisé, sur la base du volontariat et sans tirage au sort. En outre, les absences et les démissions n’y sont pas rares.