En France, la profession d’avocat, chargée de conseiller et représenter les parties à un procès, a derrière elle une longue histoire. À l’heure actuelle, le statut de l’avocat est, principalement, le fruit de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de la loi n°90-1259 du 31 décembre 1990. La loi de décembre 1971 fusionne les professions d’avocat et d’avoué près les tribunaux de grande instance (art. 1er), une fusion poursuivie par deux autres lois : d’abord la loi n°90-1259 qui intègre, dans la profession d’avocat, celle de conseil juridique ; la seconde étant la loi n°2011-94 (complétée par le décret n°2012-634) qui supprime les avoués d’appel et transfère leurs prérogatives aux avocats.
À ce titre, le terme quelquefois usité d’ « avocat à la Cour » est doublement incorrect, ainsi que le fait remarquer Jean-Jacques Taisne, professeur agrégé et ancien bâtonnier du barreau de Cambrai, dans son livre sur la déontologie de l’avocat (Dalloz, coll. Connaissance du droit, rééd. 2019). En effet, non seulement les avoués d’appel ont été supprimés (il s’agissait de ces avocats ayant le monopole de la représentation des parties en appel), mais les barreaux eux-mêmes ne sont pas rattachés auprès des Cours d’appel : ils le sont auprès des tribunaux judiciaires (art. 15 de la loi n°71-1130 et art. 1er du décret n°91-1197). Du reste, les avocats peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les instances juridictionnelles et disciplinaires (art. 5 de la loi n°71-1130).
En vertu de la loi de 1971, chaque barreau est administré par un conseil de l’ordre, présidé par un bâtonnier élu pour 2 ans (art. 15). Ce conseil de l’ordre traite toutes questions touchant à l’exercice de la profession, il statue sur l’inscription au tableau des avocats et veille à l’observation des devoirs des avocats ainsi qu’à la protection de leurs droits (art. 17). Il peut, notamment, arrêter et modifier les dispositions du règlement intérieur de son barreau (les Cours d’appel judiciaires sont compétentes pour connaître des litiges qui y sont relatifs, mais le Conseil d’Etat est compétent pour les litiges portant sur le R.I.N. qui, lui, est un acte administratif).
À ce titre, l’arrêt remarqué du 2 mars 2022 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°20-20.185), énonce qu’en l’absence de disposition législative spécifique, et à défaut de disposition réglementaire édictée par le Conseil National des Barreaux, un conseil de l’ordre peut réglementer le port et l’usage du costume des avocats pour interdire le port de tout signe manifestant l’expression d’une conviction religieuse, philosophique, communautaire ou politique.
En vertu de l’article 7 de la loi de 1971, l’avocat peut exercer sa fonction à titre individuel, soit au sein d’une association, soit dans le cadre d’entités dotées de la personnalité morale (sauf celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant), soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d’un avocat ou d’une association d’avocats. Dans tous les cas, le contrat de travail doit être écrit, et préciser les modalités de rémunération ; de même, le contrat de travail ou de collaboration ne peut comporter aucune clause limitant la liberté d’établissement ultérieure du collaborateur ou salarié, et ne doit violer aucune des règles de la déontologie de l’avocat.
La loi de 1971 se soucie de garantir une qualité minimale de défense des droits des justiciables, ainsi la loi prévoit le monopole des avocats pour certaines prestations juridiques. À ce titre, nul ne peut, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé (précisés comme étant les « actes unilatéraux et les contrats, non revêtus de la forme authentique, rédigés pour autrui et créateurs de droits ou d’obligations ») pour autrui, s’il n’est pas titulaire d’une licence en droit ou ne justifie, à défaut, d’une compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d’actes en matière juridique qu’il est autorisé à pratiquer (art. 54).
Cependant, le titulaire d’un bac +4 ou d’un doctorat, ne peut pas se prévaloir de son seul diplôme universitaire, pour effectuer de telles consultations à titre onéreux.
Seuls le peuvent : les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, les avocats, notaires, huissiers, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs ; les enseignants en droit, hypothèse très discutable puisque, nous l’avons dit, les docteurs en droit ne le peuvent pas, alors que seule la qualification (parfois délivrée de manière opaque…) du CNU les distingue, par exemple, des maîtres de conférence pourtant autorisés à pratiquer ces consultations tarifées ; les juristes d’entreprise, au profit exclusif de leur employeur ; et les membres d’autres professions réglementées, dans les domaines qui relèvent de leur activité principale. Ces autorisations délimitent le « périmètre du droit ».
Dans certains pays comme la Suisse, les avocats ne disposent pas d’un tel monopole. En effet la Suisse est un pays très libéral dans un certain nombres de domaines comme le droit. L’avocat suisse est donc directement mis en concurrence avec les juristes ou les professeurs de droit. Seule la représentation en justice est réservée aux avocats sauf devant certaines juridictions comme le tribunal des prud’hommes.
La qualité des prestations juridique en Suisse n’en est pas moins inférieure à celle de la France. Le marché des prestations juridiques se régule de lui-même en favorisant les acteurs du droit les plus qualitatifs et les plus compétitifs. Le monopole de l’avocat en France est une mesure servant principalement à garantir une clientèle minimale aux avocats, actuellement bien trop nombreux en France. A l’inverse, la Suisse compte comparativement assez peu d’avocats. La régulation du métier d’avocat par un monopole des prestations ou de limitation d’accès à la profession par concours ne sont donc pas nécessaires.