De quelques vérités sur l’examen d’accès au CRFPA

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Plusieurs milliers d’étudiants en droit passent chaque année, dans l’un des nombreux IEJ de France, l’examen d’accès au C.R.F.P.A pour tenter d’intégrer la profession d’avocat. Avec un taux de réussite supérieur à celui du concours du greffe, de l’ENM ou de commissaire de police, cet examen peut se targuer d’être, au moins théoriquement, l’un des plus accessibles à la sortie des études de droit. Pourtant, de nombreux tabous et non-dits entourent cet examen. Ils concernent, principalement, les problèmes relatifs aux Instituts d’Études Judiciaires (1) ainsi que les défaillances de l’examen proprement dit (2). Après les avoir passés en revue, des conseils seront dispensés aux futurs candidats à l’examen du C.R.F.P.A soucieux de leur avenir (3). Il est conseillé aux âmes sensibles d’en sauter la lecture.

Les problèmes inhérents aux Instituts d'Étude Judiciaire

D’abord, l’un des inconvénients des IEJ concernent les enseignants. Peu d’entre-eux sont de véritables professionnels du droit, à l’exception de ceux qui animent les entraînements au grand Oral de libertés fondamentales. Ceux qui y assurent les cours sont des professeurs de droit, et, s’il arrive certes qu’ils soient avocats, ils ne le sont, pour prendre une expression proverbiale, qu’à mi-temps, consacrant largement plus de temps à préparer leurs cours, corriger les copies et faire de la recherche (colloques, conférences, articles de droit), qu’à traiter des dossiers et plaider au Palais de Justice. Ceux qui mènent ces deux carrières de front, succombent d’ailleurs souvent au burn-out et finissent par privilégier l’une des deux.

En outre, s’il est très probable que vos propres enseignants à l’IEJ soient bien avocats, ou possèdent sinon le C.A.P.A, il y a fort à parier qu’ils aient intégré la profession grâce à la passerelle du doctorat, ou celle réservée aux professeurs agrégés de droit, lesquels sont exemptés de l’examen d’entrée et de la formation théorique et pratique du C.R.F.P.A (art. 97 décret n° 91-1197). Paradoxalement, alors que la préparation dispensée par les IEJ a pour but de vous préparer et de vous faire réussir l’examen d’accès au C.R.F.P.A, il y a donc de grandes chances que ce soit eux qui vous fassent cours, plutôt qu’un professeur ayant réussi l’examen d’accès « nouvelle formule » issu de la réforme de 2016 et qui serait, logiquement, plus au fait des réalités sinon des difficultés -réelles !- de l’examen.

En effet, et on en arrive à un point sensible : les modalités d’épreuve ont grandement changé à la suite de l’arrêté du 17 octobre 2016 qui a réformé l’examen d’accès au C.R.F.P.A, à tel point que l’examen d’accès pré-réforme et post-réforme ne sont plus comparables. Des exemples ? À l’époque, l’examen consistait, principalement, en des dissertations et des commentaires d’arrêts alors qu’il s’agit aujourd’hui exclusivement, excepté la Note de Synthèse, de « consultations » -ce terme étant employé pour donner à l’épreuve un atour professionnel alors qu’il ne s’agit que de simples cas pratiques. En outre, avant la réforme, il était possible de choisir sa spécialité parmi 11 matières. Cela comprenait, notamment, le droit patrimonial, le droit public des activités économiques ou les procédures collectives et sûretés. Ce qui n’est plus rendu possible que pour sept matières. De plus, le choix de la matière de l’épreuve de procédure sera aussi déterminé par la matière de spécialité pour laquelle vous aurez opté à cet examen.

L'examen du C.R.F.P.A, un indicateur du niveau en droit ?

Cela étant posé, il faut néanmoins signaler que, si l’examen du C.R.F.P.A est certes exigeant, il n’est pas nécessairement révélateur par lui-même d’un niveau en droit quelconque. À titre d’exemple, il suffit d’avoir du mal à gérer son temps pour tomber sur la ligne de flottaison, ce à quoi il faut ajouter une tendance à l’allongement des sujets, qui deviennent, peu à peu, infaisables en 3h. Il faut également se rendre compte que certains éléments des sujets n’ont, parfois, aucun lien avec le programme de révisions : les étudiants qui auront passé l’examen du C.R.F.P.A en 2020 gardent le souvenir désagréable d’un amateurisme jamais vu de la part de la Commission Nationale.

En effet, les candidats avaient eu la mauvaise surprise de constater qu’un tiers du sujet de droit fiscal n’avait aucun rapport avec le programme de révisions de la dite matière, et pour cause : le sujet de l’épreuve avait été rédigé par un professeur de droit non spécialisé en droit fiscal. Bien entendu, la partie du sujet sans rapport avec le programme fut déclarée hors barème et les points recalibrés, mais cela ne répare en rien le préjudice subi par les candidats fiscalistes : à la lecture du sujet, certains ont pu faire le choix de traiter par priorité une question plutôt que telle autre, d’accorder plus de temps aux développements de ce problème plutôt que de celui-ci, choix qui auraient, sans doute, été différents si leur sujet avait respecté dans son intégralité le programme de révisions. Cela ne serait pas trop grave si de tels problèmes d’exercices hors-programme ne se produisaient pas quasiment chaque année…

Des éléments discutables se retrouvent presque chaque année, jusque dans les corrections. Problèmes qui devraient alerter les principaux concernés quant à la légitimité même des sujets. Le sujet de droit des obligations de la session 2022 en offre une illustration remarquable. En effet, il était demandé à plusieurs reprises, notamment à la troisième question du cas pratique, de fournir des réponses évasives qui se refusent à trancher nettement en faveur de telle ou telle solution juridique. Mais on peut se demander quel avocat osera affirmer à son client, au terme d’une démonstration d’une demi-heure, que les hypothèses présentées ne sont pas certaines… et qu’il faut s’en tenir là ! Or un tel corrigé méconnaît totalement le rôle de l’avocat, qui est de manipuler le droit pour servir les intérêts de son client.

Il faut aussi mettre en exergue le fait que la plupart des correcteurs de l’examen d’entrée au C.R.F.P.A ont une compréhension totalement faussée du rôle que remplissent le barème et la grille de correction officiels. En effet, la grille de correction qui leur est fournie doit d’abord s’appréhender comme une base : rien de moins certes, mais rien de plus. Elle permet de guider le correcteur lorsque l’étudiant a choisi d’opter pour la même solution que le corrigé de la Commission Nationale, en soulignant la procédure juridique à suivre, les articles à citer et les arrêts à convoquer -si nécessaire. Mais elle n’interdit pas d’attribuer des points à toute solution alternative valide, quand bien même elle ne figure pas dans le corrigé officiel. Or la plupart des correcteurs de l’examen d’accès au C.R.F.P.A n’en ont cure, et s’accrochent à la grille de correction comme si elle avait valeur impérative jusque dans la solution donnée. Ce n’est pas une attitude positive, d’autant qu’elle révèle une indépendance d’esprit pour le moins limitée puisque l’on reconnaît aussi le « bon » correcteur au fait qu’il sache s’émanciper de cette grille, pour reconnaître et récompenser une solution juridique alternative tout aussi valable que celle du corrigé de la Commission -il est navrant de devoir le rappeler.

Outre ces éléments relatifs à la gestion du temps, à l’allongement des sujets ainsi qu’aux mauvaises surprises parfois réservées par les sujets de la Commission Nationale de l’examen d’accès au C.R.F.P.A, il faut souligner le fait qu’il suffit, également, d’une mauvaise gestion du stress (mais peut-être est-ce, aussi, le signe que vous n’êtes pas fait pour le métier d’avocat), ou du fait de tomber malade, avant une épreuve, pour perdre une tentative pour un motif autre que votre niveau en droit. Et c’est là que surgit ce qui est, sans doute, le plus gros scandale de l’examen d’accès au C.R.F.P.A : seules trois tentatives sont autorisées. Il est possible d’arguer que la France compterait trop d’avocats en exercice, mais l’affirmation est démentie par toutes les données disponibles, y compris celles du Conseil National des Barreaux (C.N.B). En réalité, le taux d’avocats pour cent mille habitants se situe, pour la France, loin derrière ses voisins européens, que ce soit l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce, Chypre, l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, la Belgique, le Luxembourg, la Norvège et le Danemark. Pourtant, cette limite a une raison d’être : elle réside dans les stratégies corporatistes et protectionnistes que l’Ordre des avocats a toujours mis en œuvre au cours de son histoire, allant jusqu’à préconiser et soutenir dans certains contextes historiques des politiques claires de discrimination.

Ceci ayant été dit, et si l’on tente de deviner à gros traits de quoi l’avenir sera fait, il est probable que l’on aboutisse, à long terme, à un stade où la valeur de l’examen d’entrée au C.R.F.P.A sera fortement remise en question, pour la simple et bonne raison que ses épreuves (pour exigeantes qu’elles soient en terme de bachotage) ne témoignent pas de grand-chose, sans compter le fait que le Conseil National des Barreaux (C.N.B) a une remarquable tendance à le gérer n’importe comment. Sans doute faudra-t-il attendre que les jeunes avocats investissent, davantage encore, les rangs des barreaux, pour que surgisse, face à leur niveau, la nécessité de changer d’une manière ou d’une autre les modalités d’accès à la profession -ce sera malheureusement un peu tard. En 2020 déjà, le rapport Clavel-Haeri remis au Garde des Sceaux avait proposé des pistes en ce sens, notamment : la nationalisation des corrections, la suppression de l’épreuve de spécialité au profit d’un recentrage sur les matières fondamentales et la réduction du temps de scolarité dans les C.R.F.P.A. En dépit de ces recommandations, une seule proposition du rapport Clavel-Haeri a été reprise dans la réforme de la Justice de 2023 : le fait de conditionner l’exercice de la profession d’avocat à la possession d’un Master 2. Preuve s’il en est que la priorité du Ministère de la Justice, loin de résider dans l’amélioration du niveau des candidats, est d’abord de limiter le nombre des futurs avocats -et tant pis si, dans le lot des admis, l’ivraie se mêle au bon grain !

Des conseils à un futur candidat à l'examen du C.R.F.P.A

Par conséquent, en tenant compte de cet aspect du problème, le meilleur conseil à donner à un étudiant qui aspire à devenir avocat, est de comparer les taux de réussite entre les IEJ et de choisir celui qui combine à la fois un bon taux d’admission et une proximité géographique. Nul n’en sera étonné, l’examen d’entrée au C.R.F.P.A n’est pas national. Bien que les sujets soient élaborés par une Commission Nationale, avec correction et barème assortis, le candidat reste soumis aux jurys régionaux dont l’indulgence est plus ou moins grande. Quant aux Oraux, ils échappent à la logique de nationalisation puisque les sujets et jurys restent locaux, avec les inconvénients que comporte un tel système.

Si votre ambition dès la Licence est de devenir avocat, alors choisissez un Master qui vous permettra de préparer au mieux l’examen d’accès au C.R.F.P.A. De fait, évitez donc les Masters Histoire du droit, mais aussi les spécialités bidons ou fantaisistes. Je pense, notamment, aux Master 2 en droit du vin, en droit de la culture et du patrimoine, droit du sport, ou encore, en droit douanier et des transports, créés le plus souvent pour le bon plaisir d’un professeur jouant avec l’avenir de ses étudiants comme un singe avec des grenades : car les Facultés de droit sont un milieu cynique, sans orientation digne de ce nom et avec des directeurs de Master mentant sur les débouchés de leur diplôme. De même, afin d’assurer vos arrières, évitez les Master aux intitulés trop généralistes, et en particulier ceux de droit public : ainsi les fameux Master 2 Droit public général. En effet, si vous ratez l’examen du C.R.F.P.A et que vous cherchez un poste de juriste en entreprise, ou en cabinet d’avocat, de tels Masters seront un lourd handicap par rapport à des concurrents diplômés en droit de la santé, en droit des affaires ou droit du numérique, qui pourront faire valoir leur spécialisation sur le CV.

Une petite digression s’impose ici. Le droit mène à tout, si l’on en croit un proverbe. Rien n’est plus vrai, la meilleure preuve étant qu’il mène aussi à rien. Un constat assez objectif est que le droit offre des débouchés très variables. Certains étudiants s’en sortiront bien : ils finiront dans la magistrature, le notariat, comme avocats dans de bons cabinets d’affaires ou réussiront les grands concours de la fonction publique. Mais c’est une minorité, celle qui possède le travail et le talent -parfois le réseau. D’autres auront, au début, des problèmes, finiront par trouver et, avec de la chance, s’en sortiront avec une bonne situation. Et d’autres auront le choix entre la réorientation et le R.S.A. Il faut donc garder en tête que les examens et les concours auxquels le droit permet d’accéder (tels que le concours de l’ENM, l’examen d’entrée au C.R.F.P.A, le concours de commissaire de police, l’examen d’huissier de justice, le concours des I.R.A. ou celui de directeur des services pénitentiaires…) ne sont pas une partie de plaisir. Et, s’il est vrai que la session 2023 de l’examen d’accès au C.R.F.P.A a connu un taux d’admission historiquement élevé, il est encore trop tôt pour en tirer avec certitude une conclusion sur ce que seront les sessions à venir. Pour le dire plus franchement : si d’aventure vous choisissez un mauvais Master de droit, vous pouvez fort bien vous retrouver au chômage, et pointer chaque mois à Pôle Emploi.

Si vous êtes, à l’heure actuelle, étudiant en Licence et que votre projet est de devenir avocat, accordez un soin particulier au droit des Libertés fondamentales. Généralement enseignée en L3, cette matière est l’une des clés de l’examen d’accès au C.R.F.P.A puisqu’elle est, précisément, au centre de l’épreuve du Grand Oral -avec la culture juridique et judiciaire. En l’occurrence, un bon conseil à donner serait de réviser cette matière avec soin et d’en conserver le cours. Même si certains thèmes deviennent rapidement obsolètes (ex : en bioéthique), le fait de le garder sous la main pour en disposer plus tard sera d’une aide précieuse, d’autant plus qu’il reste encore possible de passer l’examen du C.R.F.P.A en Master 1… soit une année à peine après avoir reçu le cours de Libertés fondamentales (qui sera encore valable).

Il n’est pas rare d’entendre, à propos de l’examen d’entrée au C.R.F.P.A, le dicton selon lequel ce serait 20% de connaissances pour 80% de méthode. Rien n’est plus faux. S’agissant du cas pratique, le candidat n’est absolument pas noté sur son respect de la méthodologie, mais bien sur les connaissances mobilisées. En somme, le fait de respecter la méthodologie vous évite de perdre des points bêtement, mais c’est tout. Pour le dire autrement, le fait de respecter la méthode du cas pratique vous permet certes de ne pas perdre de points avant même d’avoir commencé l’épreuve, mais les véritables gains de points dépendent du contenu juridique de vos réponses : la nuance est fondamentale. Quant à l’épreuve de Note de Synthèse, comprenez que le dicton ne s’y applique pas non plus puisque l’étudiant n’y apporte aucune connaissance personnelle, la nature de l’exercice consistant à synthétiser un corpus de documents.

Si vous avez fait, seul, les démarches pour vous inscrire à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A (ce qui peut être difficile, les parents tenant souvent les cordons de la bourse, mais peut-être avez-vous un job étudiant à temps partiel), il peut être préférable, dans un premier temps, de ne pas parler de cet examen à vos parents, la plupart ayant quelquefois un certain talent pour miner le moral de leur progéniture en lui parlant de « plan B » en cas d’échec ou en lui demandant ce qu’elle a prévu en cas de non-admissibilité. Ils ont certes raison de penser à une roue de secours professionnelle (même temporaire, avant éventuellement de remonter en selle pour le C.R.F.P.A ou un concours d’accès à une autre profession), mais il faut bien avouer qu’il y a de meilleures sources de motivation que de mentionner un « plan B en cas d’échec » d’autant que, le plus souvent, ils vous en parleront alors que vous n’avez même pas passé les épreuves… Si vous souhaitez réviser sans la pression de votre entourage, le mieux reste, peut-être, de le préparer en gardant cela pour vous.

Dernier conseil pour la route : si vous en avez les capacités financières, prenez une préparation privée à l’examen du C.R.F.P.A, soit à l’année, soit estivale. La plupart des candidats en prennent une, et il vous est conseillé de le faire. Non seulement parce que l’on observe, depuis peu, un durcissement de l’examen, mais ne serait-ce également qu’à cause de l’épreuve de Note de Synthèse. En effet, cette épreuve est une cause très importante du rôle quasi-incontournable des prépas privées (entre autres Pré-Barreau, Cap Avocat…) puisque les candidats n’y ont jamais été préparés pendant leur cursus, ce qui fait tomber la prétention de certains professeurs d’Université selon lesquels l’examen du C.R.F.P.A serait du niveau de la L2 et que la Faculté y préparerait très bien -ces mêmes professeurs ayant eu le C.A.P.A grâce à une passerelle, ou qui n’ont du moins pas passé l’examen « nouvelle formule » né en 2016.

À présent, si vous n’avez pas eu une crise cardiaque à la lecture de cet article, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance -car quelle que soit la décision prise, vous devrez aussi en avoir.

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